KENDO, la Voie du Sabre

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Cet historique sur le Kendo est bien évidemment aussi un (modeste) historique sur le Japon, car il ne serait pas judicieux de parler de l'histoire du Kendo sans la replacer dans le contexte de l'époque qui l'a vu naître.
Pour réaliser cet historique, je me suis appuyé sur un article très intéressant écrit par Guy Perez et publié dans la revue "Pam Loisirs" par le C.N.K. à l'occasion du championnat de France 1996 (j'en profite pour remercier Guy qui m'a très gentiment autorisé à utiliser son article). J'ai complété cet article par quelques données historiques recueillies dans divers ouvrages. Si vous souhaitez en savoir davantage sur l'histoire du Japon, je vous invite à lire "Histoire du Japon et des Japonais" de Edwin O. Reischauer, éditions du Seuil. Il s'agit en fait de deux tomes, le premier intitulé "Des origines à 1945" et le second "De 1945 à nos jours).

Vous pouvez également consulter un historique du Japon très intéressant sur le site www.animeland.com.

Tsuba  

Le Kendo est l’héritage des combats au sabre que se livraient les guerriers japonais (Samouraï) dans les siècles passés. Il n’est pas dans sa forme moderne, à l’inverse d’autres arts martiaux japonais tels que le Judo ou l’Aïkido, l’oeuvre d’une seule personne mais bien la synthèse d’une expérience collective constituée par des siècles de pratique sur les champs de bataille et dans les duels.  

C’est au XII° siècle, début de l’ère Kamakura (1192-1333), que les Samouraïs acquirent une place importante au Japon. Paysans-soldats à l’origine, ils cultivaient la terre et devaient souvent la laisser afin de suivre leur seigneur (Daïmyo) en campagne. Mais le jour où les Daïmyos construisirent de puissantes forteresses dotées de garnisons permanentes, les Samouraïs vinrent alors y vivre, devenant ainsi soldats professionnels. Sous l’égide des Shogun de Kamakura, apparut la nouvelle hiérarchie féodale : Shogun, Daïmyos, Samouraïs. Après la nomination au titre de gouverneur militaire (Shogun) de Minamoto no Yoritomo, le clan des Minamoto prit rapidement le contrôle militaire du pays s’assurant une autorité parallèle à celle de l’Empereur. Cette ère connut un développement considérable des arts de la guerre. Ce fut une époque où savoir manier les armes était une question de survie et un moyen de promotion sociale. La pratique des armes devenant un élément incontournable de l’éducation des jeunes seigneurs, les riches familles s’offraient au prix fort les services des meilleurs maîtres d’arme, quand elles ne créaient pas elles-mêmes leur propre style (Ryu). On considérait comme nobles : le Kyu Jutsu (tir à l’arc), le Ken Jutsu (le sabre), le Ba Jutsu (l’équitation) et le Kyu Ba Jutsu (le tir à l’arc à cheval). Durant cette période, les forgerons japonais parvinrent à un niveau d’excellence leur permettant de créer des lames d’un acier sans égal jusqu’au XIX° siècle. Le sabre japonais, ou Katana, était le symbole de la puissance du Samouraï et ce dernier n’adoptait une lame qu’après de multiples essais sur des bottes de paille simulant le corps d’un ennemi, ou encore sur un cadavre humain qui permettait d’essayer les différents "coups de taille".

XIV° siècle, c’est le début de l’ère Ashikaga (1338-1573), période extrêmement troublée dont le récit dépasse largement le cadre de ce petit historique. Période de fastes autant que de misères, elle verra la découverte des plus belles traditions du Japon : l’arrangement des bouquets, la cérémonie du thé, l’art des jardins, les Uta (courts poèmes) et les Nô, sortes de tragédies lyriques avec choeurs et danses sacrées. Le Zen, qui inspira les Shogun, apporta aux Samouraï les éléments d’une discipline intérieure face au combat et ses incertitudes. Pour permettre cette avancée, des experts du sabre cherchèrent le moyen de rendre les entraînements moins dangereux. Ils mirent au point le sabre de bois : le Boken.

XV° siècle, les guerres civiles éclatent. L’une d’elles durera dix ans. C’est la guerre d’Onin (Sengoku Jidaï). Ce conflit entre deux clans puissants que furent les Yamana et les Hosokawa dévaste aux trois quarts le Kanto (200 kms autour de l’actuelle Kyoto). Ces deux familles furent à l’origine de nouvelles écoles (Ryu).

XVI° siècle, ce siècle vit la montée en puissance de trois grands chefs de guerre : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu. Par leurs actions communes, ils obtinrent finalement l’unité du Japon. Oda Nobunaga avait initié l’unification du Japon mais il fut tué par un vassal traître en 1582. Toyotomi Hideyoshi, l’un des généraux de Nobunaga acheva l’unification nationale, mais mourut en 1598 avant de pouvoir consolider sa dynastie, son fils étant trop jeune pour pouvoir lui succéder. C’est finalement le plus puissant vassal de Hideyoshi, Tokugawa Ieayasu, qui acquit la suprématie en vainquant une coalition de Daïmyos de l’Ouest, dans une bataille historique qui eut lieu dans la plaine de Sekigahara en l’an 1600 de notre ère. Cette guerre à laquelle prirent part des Bushi (guerriers) de tous rangs permit un extraordinaire développement des écoles d’arme dans la population. C’est dans la seconde moitié de ce siècle que fut inventé le sabre souple en bambou appelé Shinaï. C’est aussi dans cette période que s’illustra l’un des plus brillants escrimeur que le Japon ait connu : j’ai nommé Miyamoto Musashi.

En 1585 dans le village de Miyamoto, province du Mimasaka, naît Takezo, fils d’un célèbre escrimeur, Shimmen Munisat, du clan Akamatsu. A l’adolescence, Takezo quitte son village natal pour parcourir le Japon et consacrer sa vie au sabre. Dans son périple, il rejoignit la plaine de Sekigahara où une guerre déterminante pour l’histoire du Japon faisait rage (nous y reviendrons). Au cours de sa vie, il disputa - et remporta - une soixantaine de duels. Il défia notamment tous les membres de l’école d’arme des Yoshioka qui demeura longtemps celle des Shogun Ashikaga et - chose incroyable - il en sortit chaque fois indemne. Comme le font encore aujourd’hui les Sumotori, Takezo se choisit un nom de guerre et devint Miyamoto Musashi. Ce remarquable escrimeur développa une compréhension instinctive du combat et de la stratégie guerrière, aidé en cela par l’étude du Zen. Il disputa son dernier duel au moyen d’un sabre en bois taillé dans une rame de bateau, et élimina Sasaki Kojiro, expert du grand sabre (O-Dachi). Par la suite, il se retira du monde pour méditer. Il écrivit notamment "Le traité des cinq roues" et mourut de sa belle mort en 1645.

XVII° siècle, après Sekigahara le Shogun Tokugawa Ieyasu constitua un gouvernement militaire (Bakufu). Cette période fut aussi appelée époque Edo, du nom du château où régnait Tokugawa (Edo devint bien plus tard Tokyo). Tokugawa confisqua toutes les armes des paysans et envoya les "vaincus" guerroyer en Chine, pendant qu’au Japon il instaura un système hiérarchique où la classe militaire était la plus importante. Le privilège notable pour les Samouraïs était le droit de porter le sabre ou les deux sabres en public, et également de porter un nom de famille (privilège refusé aux castes "inférieures" telles que les paysans et les commerçants). Les Tokugawa gouvernaient par l’entremise de Daïmyos (seigneurs), eux mêmes dirigeant leurs fiefs par l’entremise de leurs Samouraïs héréditaires. Après une rencontre peu fructueuse avec les aventuriers européens, le Japon se ferma définitivement aux continents et développa une culture spécifique. Avant la mise en place du gouvernement Tokugawa, des milliers d’écoles de Ken Jutsu dispensaient chacune un enseignement marqué par la personnalité et le style de leurs fondateurs. A cette époque, pour s’entraîner, le sabreur ne disposait que des Kata (formes codifiées) et le combat à mort (sur champ de bataille ou en duel) constituait le test ultime.

XVIII° siècle, ce siècle vit une évolution notable dans l’entraînement des Samouraïs. Ce fut l’introduction dans les Dojos d’une armure et la généralisation de l’usage du Shinaï permettant de pratiquer sans danger. Ce tournant accompagna le départ de beaucoup d’élèves car ceux-ci réprouvaient cette méthode trop éloignée de la réalité du combat. Mais ceux qui restèrent comprirent rapidement les avantages qu’apportait ce nouvel équipement. Il faut savoir que dans les siècles relativement paisibles de l’ère Tokugawa, le combat sur champ de bataille n’était plus d’actualité et le duel privé avec lame véritable, illégal, sauf autorisation préalable du gouvernement. Même le duel avec sabre en bois (Boken) fut finalement interdit lorsqu’il apparut que ces affrontements se soldaient généralement par de graves traumatismes, voire la mort. Un autre tournant important pour le devenir de l’escrime japonaise est l’introduction des mousquets par les navigateurs portugais. C’est la fin des combats au sabre sur les champs de bataille, et la fin d’une époque.

Avant d’aborder l’ère Meiji, il est peut être bon de parler de l’empereur du Japon (Mikado). Il faut savoir que la monarchie japonaise est probablement la seule au monde qui n’ait connu dans toute son histoire qu’une seule dynastie, depuis l’époque légendaire du premier empereur Jimmu Tenno (660 av. J.-C.) jusqu’à nos jours. Pendant l’époque féodale (à peu près 700 ans), les Shoguns éclipsèrent complètement les empereurs, mais ceux-ci continuèrent à se succéder sur le trône de Kyoto. La restauration Meiji redonna à l’institution tout son lustre et même un prestige qu’elle n’avait jamais connu jusqu’alors. La personne de l’empereur, "sacrée et inviolable", fut l’objet d’un culte religieux au travers du Shintoïsme, devenu religion d’Etat à partir de 1868 .

En 1868 justement, sous la pression de plusieurs clans et à cause des troubles occasionnés par la réouverture du Japon, le dernier Tokugawa démissionna et ce fut le début de l’ère Meiji. L’empereur édita un décret en 1876 interdisant le port du sabre en public. Il abolit le système des castes, supprimant ainsi les avantages qu’il conférait aux Samouraïs. Pour ces derniers, ce fut une période de remise en question difficile, leur existence ne se justifiant plus, ils étaient considérés comme des parasites sociaux et étaient appauvris par l’évolution économique. Certains réussirent néanmoins de brillantes reconversions dans le commerce et la politique. Les techniques guerrières (Jutsu) n’avaient plus l’intérêt de la société moderne qui souhaitait "l’arrêt des armes" et s’ouvrait à la culture et aux technologies occidentales. Dans cette atmosphère de rejet total, un certain nombre d’experts du sabre achevèrent de perfectionner l’armure, mirent au point le Shinaï moderne et modifièrent le Kendo en l’épurant de ses aspects guerriers, ce qui permit l’aboutissement du concept de voie ou chemin de vie pour former le corps plutôt que le détruire. Avec l’accord et le financement du gouvernement ils proposèrent des démonstrations itinérantes à travers le Japon. En 1895 fut fondé le Dai Nippon Butokukai (association pour le maintien des vertus martiales japonaises), et en 1899 le Butokuden (centre ou salle pour la pratique des vertus martiales) qui devint le quartier général et le lieu d’entraînement central du Butokukai qui oeuvrait également au développement du Judo et des autres disciplines.

En 1906, la section Kendo du Butokukai réunit une assemblée de 23 experts afin de créer un Kata standard de Kendo, synthétisant l’essentiel technique des principaux courants. En 1911, l’enseignement du Judo et du Kendo est décrété obligatoire dans les écoles et c’est finalement en 1912 qu’est présenté la version définitive du Kendo no Kata, composé de sept techniques au grand sabre et de trois au petit. Le Kendo était né, sa pratique codifiée se popularisait et ne cessait de croître au Japon jusqu’à la seconde guerre mondiale où il connut un brutal coup d’arrêt. En effet, après la capitulation du Japon, les Forces Alliées décidèrent la prohibition et la dissolution de toutes les institutions considérées comme véhicules du militarisme, dont le Butokukai. Ce n’est qu’à partir de 1950 que les forces d’occupation levèrent l’interdiction qui pesait sur les disciplines martiales. Les Alliés demandèrent la création d’une Police nationale pour assurer l’ordre et le Kendo et le Judo furent les disciplines retenues pour assurer l’éducation physique des policiers japonais. Après l’éclipse qui suivit la seconde guerre mondiale, le Kendo reprit donc en force et s’internationalisa. Il compte aujourd’hui plus de sept millions de pratiquants.

Le Kendo en France

Le Kendo est apparu en France dans les années 1956-57, grâce à un petit groupe de passionnés, dont certains n’hésitèrent pas à passer quelques mois, voire quelques années au Japon pour apprendre et se perfectionner. On retrouve d’ailleurs quelques uns de ces parcours individuels dans la bibliographie (cf. "Kendo, le temple du sabre", par exemple). Il n’est pas facile de retracer l’historique exact du Kendo en France car les différents historiques que j’ai pu consulter se contredisent sur certains points. Le Kendo en France a suivi le chemin de beaucoup d’autres Arts Martiaux, à savoir qu’il connut pendant une dizaine d’années une pratique confidentielle au sein de quelques groupes. A partir de 1967 les premières missions officielles japonaises apportèrent leur aide et des groupes se structurèrent. Maître Shiga, premier instructeur venu spécialement du Japon créa le France Kendo Renmei, tandis que Maître Yoshinao Nanbu créait la Fédération Française de Kendo. Dans le but de pouvoir participer aux grandes rencontres européennes, les deux organisations fusionèrent, ce qui permit à M. Bernard Durand de remporter le premier championnat d’Europe. L’arrivée de Maître Yoshimura Kenichi en France donna un nouveau élan au Kendo français. En 1973, suite à la demande de la Fédération Internationale de Kendo, le C.N.K. (Comité National de Kendo) entrait officiellement au sein de la Fédération Française de Judo. Le C.N.K. devenait ainsi "Disciplines Associées" et intégrait avec lui le Naginata, le Iaïdo et le Jodo. Depuis le C.N.K. s’est attaché à la promotion du Kendo et des autres disciplines (Iaïdo, Jodo, Naginata, Chambara). A ce jour, près de 200 sections affiliées regroupent 3000 licenciés dans des structures parallèles à celles de la F.F.J.D.A. devenue "Fédération Française de Judo-Jujitsu, Kendo et Disciplines Associées". Le nombre des titulaires d’un groupe Dan (Yudansha) est de 900, du 1° au 7° Dan. Le C.N.K. est membre de la Fédération Européenne de Kendo (E.K.F.) qui regroupe vingt nations et de la Fédération Internationale de Kendo (I.K.F.) qui compte trente six pays affiliés.

L’effectif des pratiquants français, même s’il reste modeste, est le plus important d’Europe. La qualité du Kendo Français est établie et reconnue sur le plan international. Cette qualité s’est concrétisée sur le plan sportif par le gain de neuf titres de champion d’Europe par équipes, et de quatre titres de champion d’Europe individuel sur les treize titres disputés depuis 1973, le dernier en date étant celui du championnat d’Europe par équipes en 1995 gagné par une équipe de France très rajeunie.

Depuis 1970, un championnat du Monde réunit tous les trois ans l’élite des pratiquants de Kendo de chaque pays (celui de 1994 s’était déroulé à Paris, celui de 1997 s’est déroulé à Kyoto, Japon). Si le Japon qui truste depuis leur création tous les titres en équipes et individuels semble intouchable et si la Corée, pays second dans la hiérarchie, paraît encore difficile à battre, la lutte pour les deux places suivantes est de plus en plus chaude. Sur le plan national des championnats régionaux ont lieu chaque année ; les meilleures équipes et une sélection de combattants de chaque région disputent ensuite les titres de champion de France dans les catégories individuelles "Yudansha", Femmes, Hommes, Jeunes et dans les catégories par équipes, "Excellence" et "Honneur".

Conformément aux règlements internationaux, le C.N.K. organise des passages de grades "Dan" du 1° au 5°, l’accès aux grades 6° et 7° Dan ne pouvant encore se faire qu’au niveau Japonais ou International. Dans tous les cas les grades ainsi délivrés sont reconnus de plein droit dans le monde entier, cette homogénéité est une des forces du Kendo. La population actuelle du Kendo en France est composée de femmes et d’hommes, adultes plus ou moins jeunes, issus d’origines très diverses. Le Kendo des enfants et des jeunes, véritable école de la vie, est en train de connaître l’essor espéré.

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